LE COÛT DU PROGRÈS : Les grandes agglomérations et les innovations technologiques ont contribué à la première pandémie de peste concomitante au déclin des populations du Néolithique.

Résumé :

Une équipe internationale de chercheurs français (IHU Méditerranée Infection, CNRS et Université d’Aix-Marseille), du Danemark et de Suède a découvert la présence de la peste, l’une des maladies infectieuses les plus meurtrières de tous les temps, chez des populations d’agriculteurs du néolithique en Suède, il y a 5,000 ans. En utilisant une approche intégrative combinant des analyses d’ADN ancien de génomes d’humains et de pathogènes et un examen approfondi des archives archéologiques, les chercheurs ont été en mesure de créer un modèle d’émergence du plus ancien cas de peste et des facteurs qui ont contribué à sa propagation rapide dans l’Eurasie au Néolithique et à l’âge de Bronze. Les auteurs suggèrent qu’il s’agissait de la première pandémie humaine de l’histoire. Ces résultats ont été publiés le 6 décembre 2018 dans Cell.

Yersinia pestis, une des bactéries les plus meurtrières de l’histoire de l’humanité, a coûté la vie à des millions de personnes et provoqué de multiples pandémies telles que la Peste Noire (XIVe siècle), la Grande Peste de Marseille (1720-1722) et la peste Justinienne (VIe siècle). Il a récemment été découvert que Y. pestis infectait déjà des populations humaines à l’Age de Bronze (-4700 à -2800 ans) dans différentes régions de l’Eurasie, mais quand et où la peste est apparue et comment elle s’est propagée dans ces populations restait à découvrir.

Une équipe interdisciplinaire de chercheurs de France, du Danemark et de Suède a fait une avancée majeure dans ce domaine. En ré-analysant des jeux de données publics d’ADN ancien provenant d’échantillons humains, les auteurs ont découvert la présence de Y. pestis chez des agriculteurs de Suède du Néolithique, décédés il y a 5,000 ans. Cette souche, la plus ancienne séquencée à ce jour, se positionne phylogénétiquement à la racine de toutes les souches de Y. pestis connues à l’heure actuelle. La présence surprenante de cet agent pathogène à cet endroit et à cette époque ne cadrait avec aucun des modèles précédents de dispersion de la peste.

A l’aide d’analyses d’horloge moléculaire, les chercheurs ont découvert que différentes lignées indépendantes de Y. pestis avaient émergé et rayonné à travers l’Eurasie sur une période de temps relativement brève, entre -5000 et -6000 ans. Cette expansion coïncidait en tous points à une période de croissance rapide et d’effondrement soudain des premières grandes agglomérations humaines ayant existé en Europe. Elle correspondait également à une période de révolution technologique au cours de laquelle la roue, la traction animale et la métallurgie ont été introduites et largement répandues dans toute l’Eurasie. L’ensemble proposait ainsi des conditions sans précédent pour l’émergence et la propagation rapide de maladies infectieuses sur des régions distantes. L’analyse de centaines de génomes humains anciens de chacune des régions et époques où Y. pestis a été détectée a montré que ces populations étaient génétiquement distinctes et que par conséquent, la dispersion de la peste n’était pas due à des migrations humaines massives, mais avait plutôt été facilitée par des interactions entre populations humaines, telles que les échanges commerciaux, qui se sont également largement développés au cours de cette période.

Sur la base de toutes ces évidences, les chercheurs ont proposé l’hypothèse d’une pandémie de peste apparue au sein de grands regroupements humains, rapidement dispersée par des véhicules à roues dans toute l’Eurasie, et qui aurait probablement contribué au déclin des populations d’agriculteurs du néolithique, ouvrant ainsi la voie aux futures migrations pastorales de la steppe vers l’Europe.

Une nouvelle souche de Y. pestis ancienne (Gok2) a été découverte chez des individus vivant il y a 4900 ans en Suède. Des analyses phylogénétiques et d’horloge moléculaire des génomes de Y. pestis et de populations humaines infectées combinées aux données archéologiques indiquent que Y. pestis a probablement émergé au sein des premières agglomérations urbaines d’Europe, à la fin du Néolithique et que sa propagation à travers l’Eurasie a été facilitée par les transports à roue.

 

Financé par le Programme Investissements d’Avenir, l’Institut Hospitalo-Universitaire Méditerranée Infection est un centre de recherche, de soin, de formation et de valorisation spécialisé dans la lutte contre les maladies infectieuses. Il est dirigé par le Professeur Didier Raoult, microbiologiste le plus cité en Europe.

Les membres fondateurs de l’IHU Méditerranée Infection sont : Aix-Marseille Université, l’Assistance Publique Hôpitaux de Marseille, l’Institut de Recherche pour le Développement, le Service de Santé des Armées, la Fondation Mérieux, l’Etablissement Français du Sang et l’Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale.

L’IHU Méditerranée Infection a été bâti grâce à un soutien financier du Programme Investissements d’Avenir piloté par le Secrétariat Général à l’Investissement, du Fonds Européen de Développement Régional (FEDER), de l’Agence Nationale de la Recherche, de la Région Provence Alpes Côte d’Azur, du Département des Bouches du Rhône, de la Métropole Aix-Marseille Provence et de la Ville de Marseille.

Contact chercheur :

Dr Nicolás Rascovan et Dr. Christelle Desnues

Unité MEФI (Microbes, Evolution, Phylogeny and Infection)
Aix-Marseille Université, IRD, AP-HM, CNRS

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