Méga (viromes) humains, animaux et environnementaux au sein du microbiote

Équipe 4 UMR D-258, Microbes, Évolution, Phylogénie et Infection (MEPHI)
Aix-Marseille Université (AMU), Institut de Recherche pour le Développement (IRD)

Chefs d’équipes :
  • Bernard LA SCOLA
Membres
  • COLSON Philippe
  • MOAL Valérie
  • GEROLAMI René
  • BORENTIN Patrick
  • AHERFI Sarah
  • TAMALET Catherine
  • CASSIR Nadim
  • BOU KHALIL Jacques

Stratégie Scientifique et Projets

1 Stratégie et méthodologie

Les deux axes méthodologiques principaux qui seront utilisés pour atteindre les objectifs scientifiques sont développés ci-dessous : NGS et culturomique

1.1 NGS et métagenomique

Pour la partie experimentale, nous nous appuierons sur une methodologie que nous avons développée et testée précédemment  (Popgeorgiev et al., 2013a, Temmam et al., 2015). Les banques de séquençage seront preparées avec le protocole NextEra XT et le kit index NextEra (Illumina, USA) et les sequences réalisées sur une plateforme MiSeq (Illumina) utilisant le kit v3, 600 cycles. La qualité des séquences obtenues (25 million reads, 15Gb of data) sera vérifiée et les séquences coupées pour enlever tout résidu de séquences humaines résiduelles potentielles. Les sequences restantes seront directement annotates par comparaison (BLASTx) aux bases de données de sequences de protéines d’organismes connus par utilisation de DIAMOND et les resultats seront visualisés avec MEGAN. Cette étape permettra de rapidement identifier les sequences virales codant pour des protéines similaires dans des génomes connus. Les séquences seront ensuite assemblées en fragments génomiques plus longs (contigs) et de nouveau annotés (BLASTp). Les genes d’interêt dans les séquences consensus seront utilisés pour concevoir des amorces et des sondes spécifiques (RT)-PCR et une hybridation in situ par fluorescence (FISH). Ces amorces et sondes seront testées sur les échantillons d’origine. Pour les tissus, l’hybridation in situ par fluorescence sera effectuée sur des biopsies incorporées dans de la paraffine, coupées en sections minces et déposées sur des lames de verre. Les fluides biologiques seront fixés dans du formol à 4% et d’abord incorporés dans de l’agarose stérile avant la paraffine. Les cellules seront cytospinées directement sur des lames de verre. L’étiquetage, l’hybridation et la détection des sondes utiliseront le système DIG (Roche Diagnostics). Le signal sera observé à l’aide d’un microscope confocal Leica SP5.

1.2 Culturomique virale

La base de l’approche culturomique a d’abord été développée pour étudier le microbiote bactérien digestif. Il consiste à fournir des centaines de conditions de culture différentes pour explorer la diversité bactérienne (Lagier et al. 2012). Outre l’étude de la diversité bactérienne, cette méthode permet de découvrir de nouveaux agents pathogènes qui seront explorés plus tard en utilisant des approches classiques combinant culture et détection moléculaire (Cassir et al, 2015). Cette méthodologie s’est avérée complémentaire de la métagénomique, car elle permet d’isoler la flore minoritaire masquée par la flore dominante (c’est-à-dire E. coli et les phages bactériens dans le microbiote digestif). Dans le projet actuel, nous avons l’intention de développer l’approche culturomique des virus. Pour cela, nous développons actuellement un système à haut débit permettant la détection de virus sur des microplaques à 96 puits. Les échantillons sont préparés pour l’inoculation par filtration (pour les petits virus) ou non (pour les virus géants) à travers des filtres pores de 0,2 μm. Les microplaques sont ensemencées avec différents supports cellulaires et inoculées avec des échantillons (avec des antibiotiques pour les échantillons non filtrés). La particularité de cette approche est de préparer au moins 10 microplaques avec un support cellulaire différent pour chacune. Pour le microbiote humain ou les échantillons humains, nous inoculerons 10 lignées cellulaires différentes supposées être représentatives du plus grand nombre de cellules permissives aux virus. Pour certains échantillons humains et environnementaux, nous allons inoculer 10 supports différents de protozoaires pour rechercher des virus géants, puisque comme nous l’avons démontré précédemment, la multiplication des supports augmente la diversité des virus isolés. La détection de la croissance des virus sera détectée en utilisant la cytométrie en flux (FC) telle que publiée précédemment (BouKhalil et al 2016). Pour les virus géants, la caractérisation préliminaire sera également effectuée par FC et les mélanges seront séparés par tri (BouKhalil et al., Manuscrit soumis). Pour les petits virus, la lyse cellulaire sera détectée par FC, puis explorée par microscopie électronique à transmission par coloration négative. Toutes ces procédures ont été adaptées au laboratoire ces derniers mois. L’unique problème restant à résoudre sera celui des virus non lytiques. Nous avons l’intention de les détecter en utilisant l’agrégation et la coloration des acides nucléiques suivies par la FC, mais d’autres stratégies pourraient être développées.

1.3 Stratégie combinée

Dans le cas d’échantillons humains où un nouveau virus pourrait être détecté grâce à la métagénomique virale, une culturomique virale utilisant le plus grand panel possible de cellules serait appliquée afin d’isoler le virus détecté.

2 Origine des échantillons étudiés

Deux principaux viromes / microbiotes seront étudiés par l’équipe.

2.1 Virome/microbiote humain

Dans cette partie, nous rechercherons de nouveaux virus (ou variants) ou microbiotes modifiés en cas de pathologies humaines idiopathiques ou mal caractérisées avec un agent étiologique infectieux suspecté. Outre les infections aiguës, nous prévoyons également de rechercher des virus / bactéries responsables d’infections latentes ou persistantes. Un accent particulier sera mis sur l’étude du rôle des co-infections en pathologie, de la relation avec l’hôte (statut immunitaire / génétique) et de l’environnement. Nous travaillerons tous deux sur des cohortes spécifiques détaillées ci-dessous et sur des cas cliniques spécifiques adressés à notre laboratoire. Cet axe de recherche repose sur plusieurs collaborations locales, nationales et internationales.

2.1.1 Microbiote fécal

À ce jour, l’étude du microbiote viral fécal a été réalisée à l’aide de techniques métagénomiques virales uniquement. Toutes les études ont détecté des virus végétaux associés aux phages alimentaires et bactériens. Si le rôle du virus de la plante doit être déterminé, comme nous l’avons identifié, une partie du virus du poivre doux (PMMoV) pourrait être associée à de la fièvre, des douleurs abdominales et du prurit, nous pensons que les virus potentiellement pathogène pour l’homme aurait pu être manqués. Pour les petits virus, nous prévoyons de tester environ 500 échantillons de selles sur 10 supports cellulaires différents. Pour les virus géants, à ce jour, nous avons testé 500 échantillons sur 3 supports de protozoaires et avons pu isoler 10 virus géants (données non publiées). En ce qui concerne les virus végétaux, nous pensons qu’ils ne sont que des microbiotes transitoires, mais leur rôle doit être étudié.

2.1.2 Entérocolite nécrosante

Dans des travaux antérieurs, nous avons démontré qu’au moins dans le sud de la France, à côté d’une diversité bactérienne réduite, C. butyricum est significativement associé à l’entérocolite nécrosante (NEC). Basé sur le WGS de plusieurs souches, nous avons également observé que les souches associées à NEC correspondaient à 3 clones différents de ceux isolés à partir de matières fécales humaines ou de l’environnement (manuscrit soumis). La métagénomique virale a été réalisée sur 15 selles de NEC et 15 selles de contrôle, mais rien n’était spécifique à NEC et seuls les phages bactériens ont été détectés. Dans une nouvelle étude prospective portant sur 5 unités de nouveau-nés (Marseille, Nîmes, Nice, Lausanne, Genève) nous avons l’intention d’augmenter le nombre d’échantillons de selles de NEC et de contrôle et pour effectuer l’étude longitudinale (avec le service néo-natal de Nîmes) pour étudier si la colonisation par C. butyricum est prédictif de NEC. Si tel est le cas, cela ouvrirait la voie à la prévention en utilisant une modification ciblée du microbiote. Le rôle des agents étiologiques récemment proposés (C. neonatale et E. coli uropathogènes) sera également étudié.

2.1.3 Immunodépression

Dans ce projet, nous rechercherons la présence de virus nouveaux et émergents chez les greffés du rein ou du foie. À Marseille, nous suivons deux larges cohortes de ces patients, parmi les plus importantes au moins à l’échelle de notre pays. Ainsi, d’une part, 2700 patients infectés par le VIH sont suivis par des équipes cliniques et virologiques faisant partie de l’IHU Méditerranée Infection. Par ailleurs, environ 1500 receveurs de greffe de rein sont suivis dans notre institution par l’équipe de Pr. Y. Berland et le Dr V. Moal, qui est membre de notre équipe 4. En raison de l’immunosuppression liée au VIH, les patients infectés par le VIH sont plus sensibles à diverses infections et à leurs persistances que les individus immunocompétents. Ils sont également particulièrement exposés aux agents infectieux lors des rapports sexuels vaginaux ou anaux et lors de l’utilisation de drogues injectables. Chez les receveurs de greffe de rein, les schémas thérapeutiques anti-infectieux rendent les traitements immunosuppresseurs plus sûrs, mais ils ne préviennent pas complètement l’apparition ou la gravité accrue des maladies infectieuses. Ainsi, les infections demeurent une préoccupation importante et constituent la principale cause de mortalité. Les virus sont la principale cause d’infections et représentent une source majeure de morbidité et de mortalité. En outre, les receveurs de greffe du rein peuvent contracter des infections virales par des voies exogènes, y compris par l’exposition à la communauté, par l’organe du donneur et les produits sanguins ou par la réactivation endogène de virus latents. Les maladies associées aux virus peuvent se manifester par une maladie directe ou des effets indirects induits par l’immunomodulation, et les virus déclencheront plus facilement leur dangerosité potentielle chez les receveurs de transplantation rénale que chez les individus immunocompétents. L’autre groupe de patients étudié sera un groupe de patients avec hépatocarcinome et cirrhose, avec en particulier la relation entre le microbiote digestif et l’encéphalite associée à la cirrhose.

2.2. Les virus géants dans l’environement

Comme nous l’avons fait ces dix dernières années, nous continuerons notre recherche de nouveaux virus géants utilisant l’isolement à haut débit sur microplaques avec détection par cytométrie en flux. L’originalité à l’avenir sera la multiplication des supports de protozoaires, en utilisant des amibes spéciales résistantes aux virus les plus courants tels que les virus Mimivirus et Marseille virus. Notre protocole comprendra au moins dix supports de protozoaires non utilisés auparavant, tels que les amibes Saccamoeba sp., Willaertia sp., Naegleria sp., Walkhampfia sp. mais aussi des ciliés et des flagellés tels que Tetrahymena pyriformis ou Poteriochromonas sp. nous pensons que cette approche nous aidera à augmenter le répertoire des virus géants.

3 Questions spécifiques à traiter

3.1 Caractérisation des isolats de virus géants les plus récents

Au cours des dernières années, nous avons isolé plusieurs nouvelles familles supposées de virus (Faustovirus, Kaumoebavirus, Pacmanvirus, Yasminevirus, Cedratvirus, Orpheovirus, Tupavirus). Les génomes de tous ces virus ont été séquencés, mais il est nécessaire de procéder à une caractérisation approfondie et précise, et nous avons plusieurs questions originales concernant certains de ces virus et des problèmes provisoirement non résolus. Pour le groupe Faustovirus, nous avons identifié que le gène de la capside contient un grand nombre d’introns et d’exons et que la capside est composée de deux couches de protéines, une caractéristique unique du monde viral. Nous essayons actuellement de comprendre le mécanisme d’épissage du pré-ARNm et d’identifier le gène codant pour la couche protéique interne. Nous allons comparer la structure de la capside de Faustovirus à celle des virus les plus proches: le kaumoebavirus, dont le gène de la capside est composé d’un plus petit nombre d’exons, et le pacmanvirus, dont le gène codant pour la capside ne contient pas d’introns. Ce travail sera effectué en utilisant la microscopie cryoélectronique avec le groupe de M. Rossmann (Perdue Université).

3.2 Recherches sur les systèmes impliqués dans la compétition entre les virophages, les virus géants, les amibes et les bactéries

Malgré leur localisation intracellulaire, les virus géants ne sont pas dans un environnement allopatrique. Dans le cytoplasme de l’amibe, il existe une compétition entre les virus géants, les virophages (Slimani et al 2013) et d’autres bactéries. Après la découverte de Mimivire, un système de défense des virus géants contre les virophages de type crispr (Levaseur et al 2016), nous avons l’intention de rechercher si des virus géants pourraient produire des composés antibactériens capables de réguler la croissance bactérienne et si des bactérie intra-amoebiennes pourraient produire des composés antiviraux qui pourraient réguler la croissance des virus géants. Nous avons effectué des tests préliminaires et observé que les lysats d’amibes contenant des usines de virus géants sont capables d’inhiber la croissance de certaines bactéries. Nous essayons actuellement d’identifier ces agents bactériens. Nous ferons également le contraire, en utilisant des extraits de bactéries intracellulaires sur des co-cultures de virus géants d’amibes pour rechercher la production de composés antiviraux. Nous cherchons également à découvrir des systèmes qui permettent à certaines amibes de résister spécifiquement à plusieurs virus géants.

3.3 Recherche de toxine de C. butyricum

Nous avons précédemment identifié que le surnageant de culture de C. butyricum était cytotoxique pour les cellules, en particulier les cellules intestinales telles que le caco-2. En utilisant le système xCELLigence (ozyme, France), nous allons tester différentes fractions pour identifier le composé que nous soupçonnons d’être une toxine protéique. L’identification puis l’expression de cette toxine et des anticorps associés peuvent aider à développer un test diagnostique à utiliser dans les selles des nouveau-nés.

Métagénomique virale, isolement à haut débit de virus, culture cellulaire, virus géants, microbiote, entérocolite nécrosante.

Guillaume Blanc, Aix Marseille Université

Tu Anh TRAN, Massimo DI MAIO, Jean-Philippe Lavigne, Université de Nîmes

Florence Casagrande, Raymond Ruimy, Université de Nice

Mickael Rossmann, Perdue University, USA

Mathias Fischer, Max Plank Intitute for medical research, Hidelberg, Germany

Jonatas Abrahao, Universidade Federal de Minas Gerais, Belo Horizonte, Brazil

Alexander Culley, Université Laval/Pavillon Charles-Eugène Marchand, Canada

Benjamin Tully, Elaina Graham, University of Southern California, Los Angeles, USA

Frederik Schulz, Tanja Woyke, U.S. Department of Energy Joint Genome Institute, Walnet Creek, USA

Publications (4 maximum)

Abrahão J, Silva L, Silva LS, Khalil JYB, Rodrigues R, Arantes T, Assis F, Boratto P, Andrade M, Kroon EG, Ribeiro B, Bergier I, Seligmann H, Ghigo E, Colson P, Levasseur A, Kroemer G, Raoult D, La Scola B. 2018. Tailed giant Tupanvirus possesses the most complete translational apparatus of the known virosphere. Nat Commun. 9(1):749.

Abrahão JS, Araújo R, Colson P, La Scola B. 2017. The analysis of translation-related gene set boosts debates around origin and evolution of mimiviruses. PLoS Genet. 13:e1006532.

Colson P, La Scola B, Levasseur A, Caetano-Anollés G, Raoult D. 2017. Mimivirus: leading the way in the discovery of giant viruses of amoebae. Nat Rev Microbiol. 15:243-254.

Levasseur A, Bekliz M, Chabrière E, Pontarotti P, La Scola B, Raoult D. 2016. MIMIVIRE is a defence system in mimivirus that confers resistance to virophage. Nature. 531:249-52.

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