Un système unique de surveillance des infections existe au sein de l’IHU Méditerranée infection (IHU MI), où se situe le seul laboratoire de diagnostic des infections bactériennes, parasitaires, mycologiques et virales pour l’ensemble de l’Assistance Publique des Hôpitaux de Marseille (AP-HM). Ce système a été créé fin 2002 (programme EPIMIC [1]) et s’est développé considérablement depuis la création de l’IHU MI en 2012 au travers des programmes MIDAS, BALYSES, MARSS et SFY [2]. Il associe une surveillance syndromique à une surveillance conventionnelle et consiste à compter systématiquement chaque semaine l’ensemble des prélèvements reçus par le laboratoire de diagnostic des infections, l’ensemble des tests réalisés et l’ensemble des diagnostics positifs obtenus. Cette surveillance à été étendue au groupement hospitalier de territoire des Bouches-du-Rhône (3% de la population française) et à 302 laboratoires de biologie médicale publics et privés de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (7% de la population française) par la création d’un réseau nommé PACASurvE [3]. De plus, sont comptés chaque semaine les patients dont le décès est survenu à l’AP-HM et ceux pour lesquels au moins un prélèvement a été adressé au laboratoire de diagnostic des infections de l’IHU MI.

Au total, pour l’AP-HM, entre 2014 et 2019 (5 ans), la surveillance a porté sur 3.050.000 tests (480.000/an ; 9.200/semaine) et 435.000 diagnostics d’infection (68.000/an ; 1.300/semaine). De plus, 15.200 patients sont décédés à l’AP-HM (2.900/an ; 56/semaine) et pour 9.500 d’entre eux au moins un prélèvement a été adressé au laboratoire diagnostic de l’IHU MI. Cette cohorte représente environ 0,74% des décès survenus à l’hôpital en France [390.000 (https://www.insee.fr/fr/statistiques/3134763)]. De plus, au sein du réseau PACASurvE, les données relatives à 1,092.000 isolats bactériens de 770 espèces différentes (dont deux tiers sont rares) associés à 653.000 antibiogrammes ont été cumulées sur cette même période de 5 ans.

Ces données chiffrées accumulées nous permettent de mesurer l’incidence et la prévalence réelles des infections et l’incidence des infections associées aux décès dans notre région, et d’établir leur classement par fréquence par analogie aux rapports publiés chaque année dans le journal Lancet et intitulés « Global Burden of Diseases » [4] :
Du 1er Février 2014 au 25 avril 2019 (5 ans (63 mois)), 15.235 patients sont décédés à l’AP-HM parmi 347,877 patients hospitalisés; 9.480 patients décédés (62%) ont eu au moins un prélèvement adressé au laboratoire de microbiologie. Neuf pathogènes ont été associés à ≥10 décès par an :

Concernant les cas de grippe (A ou B) (7ème infection la plus fréquemment associée aux décès), une co-infection par Staphylococcus aureus, Streptococcus pneumoniae, Streptococcus pyogenes ou Haemophilus influenzae a été diagnostiquée pour 19,8% des patients décédées contre 1.4% des patients non décédés (p<0,001). IHU Méditerranée Infection – « Global burden of infections » – hôpitaux publics de Marseille – région PACA Page 2

Nos données permettent également d’établir un “No global burden” d’infections, correspondant à une liste d’infections parmi celles particulièrement médiatisées mais non diagnostiquées chez des patients décédés à l’AP-HM :

Nous avons aussi mesuré chez les patients décédés à l’AP-HM au cours des 5 dernières années le nombre d’isolats bactériens présentant un phénotype de résistance aux antibiotiques les classant comme « difficiles à traiter », c’est-à-dire résistants à 3 classes d’antibiotiques de première ligne (adapté de [5]). Ont été analysées les données de 415.555 hémocultures prélevées de 93.844 patients : 36.813 hémocultures de 11.946 patients étaient positives (12,7%). La mortalité chez les patients avec au moins une hémoculture positive a été de 14% (1.715/11.496). Le nombre de bactéries « difficiles à traiter » isolées de patients décédés a été faible (n= 13) et non significativement différent du nombre de bactéries « difficile à traiter » isolées de patients non décédés. Ces bactéries étaient uniquement Gram négatives:

De plus, une étude rétrospective a été réalisée au sein du réseau PACASurvE entre janvier 2014 et janvier 2019 (5 ans) sur la sensibilité aux antibiotiques de 539.107 souches cliniques isolées de 267 laboratoires d’analyses médicales incluant 6 laboratoires hospitaliers et 261 laboratoires privés de la région PACA. Les bactéries « difficile à traiter » ont représenté seulement 0.3% des souches cliniques isolées (n= 1.604). Aucune augmentation ou diminution significative de la résistance aux antibiotiques clés (résistance à l’oxacilline chez Staphylococcus aureus ; résistance aux carbapénèmes chez les entérobactéries et chez Pseudomonas aeruginosa; et résistance aux céphalosporines de 3ème génération chez Escherichia coli et Klebsiella pneumoniae) n’a été observée. Une diminution significative de la résistance à l’imipénème (de 24% à 13% ; p= 0,005) a été retrouvée pour Acinetobacter baumannii. Au total, aucune augmentation problématique de la résistance aux antibiotiques clés n’a été observée dans notre région au cours des 5 dernières années.

En conclusion, nos données fondées sur les diagnostics des laboratoires de biologie médicale à l’AP-HM et dans la région PACA nous permettent d’objectiver :
– Une discordance majeure entre nos données réelles dans notre région et les causes les plus médiatisées et prédites comme causes de décès par infection en PACA et en France métropolitaine;
– Une émergence des infections à Candida spp. associées à la mortalité à l’hôpital;
– Une absence de mortalité associée à une multi-résistance aux antibiotiques.

Références bibliographiques

(1) Colson P, Rolain JM, Abat C, Charrel R, Fournier PE, Raoult D. EPIMIC: A Simple Homemade Computer Program for Real-Time EPIdemiological Surveillance and Alert Based on MICrobiological Data. PLoS One 2015; 10(12):e0144178.
(2) Abat C, Chaudet H, Colson P, Rolain JM, Raoult D. Real-Time Microbiology Laboratory Surveillance System to Detect Abnormal Events and Emerging Infections, Marseille, France. Emerg Infect Dis 2015; 21(8):1302-10.
(3) Huart M, Bedubourg G, Abat C, et al. Implementation and Initial Analysis of a Laboratory-Based Weekly Biosurveillance System, Provence-Alpes-Cote d’Azur, France. Emerg Infect Dis 2017; 23(4):582-9.
(4) Global, regional, and national age-sex specific mortality for 264 causes of death, 1980-2016: a systematic analysis for the Global Burden of Disease Study 2016. Lancet 2017; 390(10100):1151-210.
(5) Kadri SS, Adjemian J, Lai YL, et al. Difficult-to-Treat Resistance in Gram-negative Bacteremia at 173 US Hospitals: Retrospective Cohort Analysis of Prevalence, Predictors, and Outcome of Resistance to All First-line Agents. Clin Infect Dis 2018; 67(12):1803- 14.
(6) Van Cauteren D, Le SY, Sommen C, et al. Estimated Annual Numbers of Foodborne Pathogen-Associated Illnesses, Hospitalizations, and Deaths, France, 2008-2013. Emerg Infect Dis 2017; 23(9):1486-92.
(7) Brouard C, pioche C, Léon L, Lot F, Pillonel J, Larsen C. Incidence et modes de transmission de l’hépatite B aiguë diagnostiquée en France, 2012-2014. Bull Epid Hebdo 2016; 13-14:237-43.

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