La malnutrition aiguë sévère touche environ 20 millions d’enfants dans le monde et tue entre 1 et 6 millions d’enfants par an. C’est l’enjeu de 2 des objectifs du millenium de l’organisation mondiale de la santé : réduire l’extrême pauvreté et la faim, réduire la mortalité chez l’enfant.

Alors qu’il est clair que la malnutrition aiguë sévère est une maladie nutritionnelle causée par une nutrition inadaptée, un traitement nutritionnel seul est insuffisant pour environ 15% des enfants atteints et  7% des enfants pris en charge vont mourir malgré une renutrition adaptée. Un stress oxydant anormal (agression des cellules par des dérivés réactifs de l’oxygène) a depuis longtemps été constaté dans le sang et le foie de ces enfants et associé à une alimentation très pauvre en antioxydants. Cela  a conduit à l’incorporation de doses élevées d’antioxydant, dont la vitamine A, C et E, dans le traitement nutritionnel recommandé par l’Organisation Mondiale de la Santé.

De façon étonnante, alors que la flore digestive est très altérée dans la malnutrition, aucune étude n’a testé un possible rôle du stress oxydant (associé à une alimentation déficitaire en antioxydants) sur l’environnement digestif et l’altération de la flore digestive dans la malnutrition. Cela est pourtant très important car les deux dernières étapes de la digestion, la fermentation et la méthanogenèse, sont assurés essentiellement par des microbes sans aucune défense contre le stress oxydant, les microbes anaérobies.

Dans cette étude, les chercheurs de l’IHU Méditerranée infection, sous la direction du professeur D. Raoult, ont comparé la flore digestive d’enfants africains souffrant de malnutrition et d’enfants en bonne santé. Ils ont ainsi trouvé un appauvrissement très important des microbes (bactéries et archées) intolérants au stress oxydant chez les enfants avec une malnutrition sévère par rapport aux enfants sains. Des analyses plus poussées ont révélé une oxydation de l’environnement digestif, une diminution du nombre total de bactéries composant la flore intestinale et une absence totale d’archée qui sont les microbes qui assurent la méthanogenèse. Un régime pauvre en antioxydants entrainerait ainsi une perte des micro-organismes responsable de la fermentation et de la méthanogenèse et donc une maldigestion.

Les auteurs émettent l’hypothèse que cette maldigestion serait irréversible par la renutrition et seul l’apport de bactéries anaérobies et d’archées sélectionnées avec un régime riche en antioxydants pourrait sauver les enfants sévèrement malnutris qui décèdent malgré un traitement optimal de renutrition, ce qui représente environ 800 000 enfants par an.

Plus largement, cette étude pionnière ouvre un large champ de recherche sur le lien entre l’alimentation, le mode de vie, le stress oxydant digestif, la flore digestive et la santé ou la maladie. En effet, il est fortement probable que le rôle de la flore digestive dans d’autres maladies associées à un stress oxydant anormal ait été négligé.

Increased Gut Redox and Depletion of Anaerobic and Methanogenic Prokaryotes in Severe Acute Malnutrition. M. Million, M. Tidjani alou, S. Khelaifia, D. Bachar, JC. Lagier, N. Dione, S. Brah, P. Hugon, V. Lombard, F.  Armougom ,  J. Fromonot , C. Robert , C. Michelle , A. Diallo , A. Fabre, R. Guieu , C. Sokhna ,  B. Henrissat,  P. Parola, D.  Raoult. Scientific report. 2016.

Contacts chercheurs :

Pr Didier RAOULT

IHU Méditerranée Infection

Unité de Recherche sur les Maladies Infectieuses et Tropicales Emergentes (URMITE)

Faculté de Médecine

27 Bd Jean Moulin 3385 Marseille Cedex 05

Tel : +33 (0)49 324 375

E-mail: didier.raoult@gmail.com

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